Cet article reprend les idées qui m’ont apparu essentielles dans la conférence de Joelle Proust au NED 2019. Vous retrouverez l’intégralité de l’intervention ici.
La métacognition est la régulation de sa propre activité cognitive. Bien menée, cette autorégulation permet aux élèves d’apprendre efficacement, d’être motivé et adapter les efforts à poursuivre ses buts
La métacognition est importante chez les élèves mais aussi chez le professeur qui doit savoir analyser pour savoir ce qui est à garder et ce qui est à réviser.
Il existe 3 conditions de la métacognition
- Capacité d’agir cognitivement: que l’élève ait le choix, de décider de faire une opération (percevoir, encoder, mémoriser, se rappeler et raisonner). Comprendre ce qu’il faut faire pour réaliser et enchainer ces activités.
- Motivation d’agir cognitivement. Il ne suffit pas de dire à un élève de faire quelque chose pour qu’il le fasse.
- L’autoévaluation de l’activité cognitive
Il faut travailler sur les 3
La motivation permet à l’élève d’agir sur le choix du but, le choix de la stratégie et la décision d’agir (concrètement), le monitoring (autoévaluation) permet de suivre l’activité et d’évaluer l’activité. Puis la boucle repart sur la motivation car l’évaluation du résultat a un effet sur la motivation de poursuivre l’activité et les choix du but futur.
Ce processus est important pour comprendre les dynamiques : est-ce qu’un élève poursuit ou pas son effort ?
L’auto évaluation de l’activité cognitive.
Il y a deux sources d’information/2 pilliers utilisées dans l’autoévaluation (le cœur métacognitif d’une activité d’apprentissage)
- La métacognition procédurale
Ce sont des sentiments (s’ennuyer avoir envie de le faire…), ce sentiment produit soit lorsque l’on présente l’activité soit lorsque l’on fait l’activité. Il existe plusieurs types de sentiments lors de cette phase liés au type d’activité que l’on propose.
- Le sentiment de familiarité avec l’exercice , les outils les connaissances, le langage etc… La familiarité rassure, le maque de familiarité inquiète et est source de prédiction d’échec. Il faut donc veiller à faciliter les apprentissages en s’assurant de la présence de cette familiarité, sans tomber dans le biais de la répétions qui peut entrainer l’ennui.
- Le sentiment de pouvoir réussir à résoudre le problème, à faire l’activité. Sentiment prédictif que l’on doit avoir avant de commencer l’apprentissage
- Le sentiment de comprendre, suivre ou pas ce qui est présenté
- Le sentiment d’avoir travaillé correctement ou perdu son temps durant l’activité
- Le sentiment d’avoir été captivé ou de s’être ennuyé durant l’activité
- Le sentiment d’avoir fait un gros effort d’apprentissage durant l’activité
Ce sont ces sentiments qui guident la décision d’agir de manière positive ou négative. Ces sentiments proviennent d’une comparaison inconsciente entre le feed back attendu et le feed back observé. Le sentiment est positif (donc augmente la motivation) lorsque la comparaison est favorable. Dans le cas inverse, le sentiment est déplaisant et est source d’aversion pour ce type d’exercice.
Les sentiments sont cruciaux pour les engagements dans les activités et ce sont eux qui décident de la poursuite de l’engagement et du niveau d’efforts qui est mis dans l’apprentissage.
Cette autorégulation est biaisée très souvent par des inférences socio cognitives. La même activité est en effet doublement évaluée et fondée sur la représentation de qui je suis, représentation construite socialement.
Ex c’est une tâche difficile (sentiment de métacognition procédurale) donc elle n’est pas pour moi (représentation sociale)
La représentation identitaire affecte la décision de faire la tâche (je n’essaye pas, c’est trop difficile), la motivation et les choix du but ultérieur. Il est donc fondamental de comprendre ces représentations identitaires afin de pouvoir agir sur elle.
Cette représentation de qui on est varie avec le contexte : qui je suis pour l’action présente. On n’est pas le même en famille, au sport, à l’école etc… Ces représentations sont aussi très influencées par les groupes sociaux et même parfois l’aspect physique
On peut donc agir sur les aptitudes d’un enfant à faire une tâche en agissant sur l’aspect motivationnel du contexte de traitement.
- La métacognition déclarative
Ce sont les croyances et les connaissances sur des propres capacités, sur celles des personnes comme « moi » et sur les caractéristiques des tâches (j’ai pas de mémoire, c’est trop difficile, j’ai toujours été nul en maths..). On en a conscience, on peut en parler. Elle a souvent un rôle biaisant
Les biais sociocognitifs de l’autorégulation métacognitive
Les biais sont donc basés sur les sentiments et donc le type d’activité proposé mais aussi (surtout ?) sur la représentation de qui on est et en particulier les jugements de capacité ou incapacité formé sur la base des stéréotype sociaux
« Dans la famille, il n’y a pas beaucoup de livres, on est pas du genre à s’intéresser à lire.. »
(Il y a biais cognitif quand la représentation de qui on est interfère avec la capacité réelle d’apprendre)
En cas d’erreur, d’échec, c’est son identité X qui explique cette erreur, cet échec. L’élève perd confiance en lui, et donc il y a une baisse de motivation pour tenter de recommencer l’apprentissage correspondant. C’est une source puissante du refus des apprentissages ou au contraire d’engagement dans les apprentissages
Il existe des représentations connues :
- Représentation stéréotypique de genre, de l’origine sociale (performance moins élevée quand on vient d’un milieu défavorisé, les filles réussissent moins bien que les garçons en maths)
- La théorie de l’intelligence innée (fix mindset de Carol Dweck). Même si un élève est « intelligent », cette attitude est bloquante car un élève intelligent évitera les tâches difficiles qui pourraient ne pas aller dans le sens de leur croyance de leur intelligence innée.
En résumé, les biais sociocognitifs viennent de la comparaison (l’incohérence perçue) entre
- Ses propres capacités, valeurs, projet affiliation
- Les buts poursuivie et activités menées en classe
Conséquence : une fois que ses perceptions sont installées il y a un risque très élevé de spirale de l’échec. L’échec conduit à investir moins d’efforts dans les tâches et le manque d’efforts entraine le renforcement de l’échec et ses prédictions.
CONSEILS PRATIQUES
Il y a des gestes professionnels qui préviennent ou au moins réduisent ces biais (on ne peut pas les effacer complètement)
ON PEUT
- Exprimer à chaque élève en privé la confiance dans sa capacité à progresser
- Saluer en privé les progrès individuels
(En public, cela ne fait que mettre en évidence qu’il n’est pas au même niveau que les autres, effet néfaste sur la confiance)
- Encourager chez tous, l’état d’esprit de croissance (l’intelligence est produite par l’apprentissage et non pas par des prédispositions).
- Présenter aux élèves des buts de maîtrise (l’acquisition de la compétence, avec le temps nécessaire pour l’acquérir ) au détriment de buts de performance fondé sur la compétition (une bonne note)
- Diversifier l’habillage des exercices pour en augmenter la compréhension par les élèves
- Clarifier auprès des élèves le statut de l’erreur en matière d’apprentissage. L’erreur est une alliée dans l’apprentissage et pas une ennemie. On a besoin de se tromper pour apprendre.
- Promouvoir de manière stratégiques les projections dans le futur professionnel (identité positives)
ON NE DOIT PAS
- Communiquer les notes à voix haute, classer les notes.
- Interroger fréquemment et publiquement les élèves en échec
- Organiser dans la durée le travail par groupe homogène de compétences ( cela convainc les moins bons qu’ils sont dans le groupe des moins bons)
- Inciter les plus faibles à prendre exemple sur des modèles hors de portée, ce qui leur confirme qu’ils n’y arriveront pas)
- Commenter en classe ou sur les copies sur les performances des élèves comme un effet de leur don (tu es plus doué en X qu’en Y)
LES GESTES A EFFET VARIABLES
- La possibilité de lever la main pour communiquer que l’on connait la réponse : facilite la performance des élèves les plus favorisés socio économiquement mais l’entrave chez les moins favorisés. Quand tous les élèves lèvent la main et pas eux, ils se disent il y a quelque chose qui ne va pas chez moi, ce n’est pas pour moi.
- L’interrogation publique pendant la leçon: facilite l’apprentissage chez les élèves en réussite, l’entrave sévèrement chez les élèves en difficulté. Réciproquement la garantie de ne pas être interrogé publiquement facilite l’apprentissage chez les élèves en échec , l’entrave chez les élèves en réussite et en attente de visibilité.
CE QUI MARCHE A L’EXTERIEUR DE LA CLASSE
- Faire visualiser par les élèves leur moi futur professionnel souhaité, aider à construire une représentation d’identité motivante. Nécessite une formation des enseignants. Très bénéfique. Mettre en relation sur ce qu’il faut maintenant et ce qu’il fera plus tard. Pas forcément sur des motivations réalistes, mais cela permet de faire le lien entre ce qu’ils apprennent maintenant et ce qu’ils feront plus tard.
- Leur proposer des exercices d’auto affirmation (sur leur propre valeur, ce qu’ils aiment faire, leur 3 meilleurs souvenirs de réussite d’une activité)
- Prévoir des moments où les élèves peuvent débattre sur des sujets de leur choix
- Laisser les élèves créer une liste de valeurs /règles qu’ils s’engagent à respecter dans la classe
- Établir et développer des liens de confiance avec les familles car ce sont les familles qui transmettent aux enfants ce qui est pour eux ou par pour eux.
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